AZF : Explosion terroriste ???

Devant la cour d’appel, le procès de la catastrophe du 21 septembre 2001 s’intéresse cette semaine à la piste intentionnelle et à un possible attentat. Cette hypothèse a été étudiée par la police judiciaire dès l’explosion et peu à peu abandonnée.

Et si l’explosion de l’usine AZF cachait un acte terroriste ? Cette question mobilise l’audience en appel sur la catastrophe de l’usine chimique cette semaine à Toulouse. Un passage presque obligé tant cette possibilité a longtemps alimenté les conversations et les hypothèses. « Dix jours seulement après les attentats qui avaient détruit les tours du World Trade Center, comment ne pas y penser ? », prévient tout de suite le commissaire Marcel Dumas, patron du service régional de police judiciaire de Toulouse en septembre 2001. « Nous avons donc cherché des restes humains, réalisé des recherches de traces d’explosif… Nous n’avons rien trouvé ».

Pourtant très vite, des chauffeurs routiers qui venaient charger du nitrate rapportent des incidents avec les « chargeurs » la veille et le matin de l’explosion. « Là aussi nous avons pris les choses au sérieux en interrogeant les chauffeurs. Il faut arrêter les suppositions. La piste intentionnelle a été largement étudiée, approfondie et nous n’avons rien trouvé. Et puis soyons sérieux : pourquoi choisir Toulouse, pourquoi AZF et surtout pourquoi le nitrate ? Dans cette usine, il existait d’autres possibilités beaucoup plus dangereuses comme le chlore. Sans parler du phosgène à la SNPE… », estime l’ancien patron du SRPJ. La défense a beau titiller, questionner, s’indigner sur une enquête « pas aboutie », l’ancien patron tient bon.

Un de ses adjoints, le commissaire Malon, patron direct de l’enquête, poursuit sur le même ton. Au plus près des investigations, il rentre dans les détails, et se charge de passer au lance-flammes la fameuse note des Renseignements généraux qui début octobre, relance la piste terroriste. « Cette note est centrée sur Hassan Jandoubi, qui travaillait au chargement de l’unité nitrate. Elle est rédigée au conditionnel ». La lecture explicative tourne au jeu de massacre : « Le 25 septembre les RG ne connaissaient pas Jandoubi. Dix jours plus tard, c’est un terroriste. Cette note ne contient que des sous-entendus malsains et non vérifiés sans aucun élément de preuve ! » Le commissaire Malon affirme aussi « des vérifications ont été faites » sur les conditionnels des RG. « Non ce n’était pas un musulman pratiquant ». Et sur les différents sous-vêtements portés par Hassan Jandoubi, tué lors de l’explosion, l’enquêteur n’y voit aucun indice. « Il en portait quatre. Il était très maigre. Il semble que c’était une habitude chez lui ».

Me Simon Foreman, moins incisif que d’habitude rappelle des oublis des enquêteurs. Mais il l’assure : « Notre idée n’est pas de faire le procès de Jandoubi, de démontrer qu’il s’agissait d’un kamikaze. Simplement cette piste polluait l’enquête, personne n’y croyait et la police n’est pas allée au bout de cette hypothèse ! De celle-là comme d’autres ». Dans ce qui ressemble à un accord, une voix apporte la contradiction. « Ma hiérarchie ne m’a pas laissé travailler sérieusement sur cette hypothèse », assure Alain Cohen, ancien commandant du SRPJ. « À Paris ils veulent un accident, ils auront un accident » rapporte encore ce témoin, citant son ancien patron, le commissaire Dumas. « Faux » ont répliqué les commissaires Dumas puis Malon. « Un attentat ? Un acte de malveillance ? Ou un accident ? Pourquoi pas. Je ne sais pas, lâche encore le commandant. Ce que je regrette c’est qu’on m’a empêché de faire mon travail »


Les « pros » de l’anti terrorisme à la barre

Après les responsables de l’antenne toulousaine de la police judiciaire en charge des investigations sur l’explosion de l’usine AZF, la cour va entendre aujourd’hui des témoins de choix pour continuer à évoquer la piste « intentionnelle ». Le préfet Roger Marion est notamment attendu. Cet ancien commissaire était directeur central adjoint de la police judiciaire lors de l’explosion de l’usine AZF en septembre 2001. Ce natif de Castres a surtout dirigé pendant dix ans la direction antiterroriste de la police judiciaire.

Autre « invité » de marque, l’ancien juge d’instruction Jean-Louis Bruguière qui a longtemps symbolisé la lutte anti terroriste en France. Son audition s’annonce «explosive» puisqu’aujourd’hui à la retraite, le magistrat a réalisé à la demande de Total un rapport sur l’enquête toulousaine. Ce travail critique le manque de sérieux des investigations sur la piste terroriste. Pourtant en 2001, cette hypothèse n’intéressait guère le magistrat puisque le parquet de Paris ne s’est jamais auto – saisi du dossier comme c’est la règle en cas de soupçon terroriste.